Ces années de profondes mutations sont aussi dans les territoires, les marques laissées par la reconstruction et le réaménagement des nombreuses villes détruites pendant la guerre, celles-ci bénéficiant des moyens mobilisés dans le cadre des politiques de « rénovation urbaine » qui se traduiront par la destruction et la réhabilitation du tissu urbain ancien et la mise en pratique des théories de l’urbanisme moderne de Le Corbusier (1887-1965) dans le logement collectif.
À ces nécessités nées de la guerre, s’ajoutent, dès le milieu des années 1950, la construction massive de nouveaux logements - « les grands ensembles  » modernes des banlieues ouvrières - pour répondre à la forte demande résultant cumulativement du baby-boom d’après-guerre, de l’exode rural, de l’accueil de la main d’œuvre étrangère à laquelle il est fait appel pour le redémarrage industriel, et à partir de 1962, de celui des rapatriés d’Algérie. « L’appel  » de l’abbé Pierre (1912-2007) du 1er février 1954 en faveur des « sans-abri » est resté dans les mémoires. Il intervient dans ce contexte général et cette tension, accentués, conjoncturellement, cet hiver-là , par deux vagues de froid exceptionnelles.
La reconstruction et la modernisation des infrastructures et des zones industrielles détruites et le nouvel essor qui leur est donné grâce aux investissements massifs dont elles bénéficient, génère des chantiers gigantesques. Après le chantier du barrage-centrale de Génissiat sur le Haut-Rhône commencé avant la guerre et mis en service en 1948, présenté lors de son inauguration par le président Vincent Auriol (1884-1966) comme le « Niagara français », l’un des plus emblématiques est celui du barrage hydroélectrique de Donzère-Mondragon, construit entre 1948 et 1952 au titre des aménagements réalisés par la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). Il a été considéré comme le plus grand chantier d’Europe du moment.
Cette forte croissance industrielle inspirée par le programme du Conseil National de la Résistance et promue par le général de Gaulle (1890-1970) dès la Libération, et à partir de son retour au pouvoir en 1958, prendra son essor durant la IVe République, indépendamment de ses vicissitudes. Elle sera poursuivie par le successeur du général, Georges Pompidou, et restera attachée à l’image des « Trente Glorieuses  » qualifiée de « révolution invisible  » - du fait qu’elle s’est déroulée sans interruption sur trois décennies - par Jean Fourastié (1907-1990) dans l’ouvrage qu’il fait paraître en 1979. Elle sera considérée comme étant le produit de l’action volontariste de l’État conduite par et sous l’égide du commissariat général du Plan créé en 1946, et des « plans Monnet  » successifs qui seront pensés et mis en œuvre par une élite technocratique formée par les ingénieurs membres des grands corps techniques de l’État (Polytechnique, Mines, Ponts et Chaussées, Génie rural).
Elle aura aussi été permise par l’accès aux énergies fossiles abondantes et à bas coût : charbon américain et de la Sarre dans un premier temps, pétrole et gaz d’Algérie, gaz de Lacq, notamment, dans un second temps.
Aucune des autorités en responsabilité durant cette époque, pas plus d’ailleurs que les milieux scientifiques et environnementalistes, ne soupçonnaient qu’elles seraient, seulement une trentaine d’années plus tard, jugées comme étant la cause principale du réchauffement climatique global d’origine anthropique et, de ce fait, vouées aux gémonies.
Mais plus encore que les chantiers ponctuels de travaux publics, c’est le déploiement des politiques d’aménagement du territoire sur l’ensemble du pays qui le transforme profondément. L’inégale répartition des activités sur le territoire avait été soulignée par Jean-François Gravier (1915-2005) dans son ouvrage célèbre Paris et le désert français, dès 1947. Après plusieurs tentatives et initiatives prises sous la IVe République pour apporter une réponse à ce problème mais qui n’avaient pas donné de solutions satisfaisantes, ces politiques connaissent une nouvelle et forte impulsion avec la création de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) en 1963 et l’action de ses deux premiers délégués, Olivier Guichard (1920-2004) et Jérôme Monod (1930-2016) entre 1963 et 1974.
Celle-ci se voit investie de cette mission de trouver les moyens de rééquilibrer la répartition de la population, de favoriser le développement de zones d’activité nouvelles, de doter le pays en infrastructures et en équipements modernes. C’est ainsi que sera instituée une douzaine de métropoles d’équilibre (Lyon-Saint-Etienne-Grenoble, Aix-Marseille) pour faire contrepoids à la centralisation parisienne ; que sera créée une dizaine de villes nouvelles (Marne-La vallée, Le Vaudreuil) ; que sera accélérée la construction du réseau autoroutier ; que seront lancées les politiques d’aménagement et de développement touristique du littoral (Aquitaine, Languedoc Roussillon, côte atlantique) avec la création de résidences et de ports de plaisance et de la montagne avec les plans neige pour le développement des stations de sports d’hiver en altitude. C’est aussi, accompagnant l’urbanisation rapide, le développement et la multiplication des zones d’activité et centres commerciaux en périphérie des villes.
Si c’est la DATAR qui pense et coordonne l’aménagement du territoire, c’est bien le ministère de l’Équipement, créé en 1966 par la fusion des ministères des Travaux publics et des Transports et du ministère de la construction, qui a la haute main sur la réalisation des équipements et des infrastructures. Ainsi, l’aménagement de la France est confié à deux puissants moteurs qui tourneront, désormais, à plein régime.
De fait, à la fin des années 1960 et au début de la décennie suivante des années 1970, au crépuscule de la période des « Trente Glorieuses » - mais personne ne sait encore à ce moment-là qu’elle prendra fin avec le premier choc pétrolier qui surviendra bientôt, en 1973 - la France a réussi son redressement économique et cherche encore à l’amplifier sous la présidence de Georges Pompidou. Mais c’est un redressement économique acquis grâce à un modèle de croissance qui ne s’est pas ou qui s’est insuffisamment préoccupé de ses conséquences tant environnementales que sociales.