Histoire de la protection de la nature et de l’environnement
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FEUVRIER Jean-Pierre

Jean-Pierre Feuvrier est né le 24 août 1936 à Bois-Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Il grandit à Épinay-sur-Seine, une banlieue au Nord de Paris qu’il trouve sans âme et où il ne se plaît guère. Il mène une enfance ordinaire, studieuse et plutôt solitaire dans une famille de la classe moyenne. Son père, originaire du Doubs, entré dans la vie active à seize ans, gravit progressivement les échelons et obtient un poste dans un bureau de dessin. Sa mère, née Odette Sézille, originaire d’un petit village de l’Oise (60), Salency, est mère au foyer. Il a un jeune frère de huit ans son cadet.

Enfance et jeunesse entre campagne picarde et banlieue parisienne

Trois expériences ont nourri le goût du petit parisien qu’il était pour la nature. D’abord, l’expérience de la ruralité. Envoyé pendant la guerre chez ses grands-parents maternels, qui tiennent l’épicerie-bar-tabac-salle des fêtes de Salency, il découvre une communauté villageoise et une vie rurale imprégnée de nature, où l’on demande aux écoliers d’aller couper l’épine-vinette dans les haies. Il y séjourne par la suite régulièrement pendant les vacances. C’est là, aussi, qu’il rencontre sa future femme, Marie-Claude Sézille, qui habite la ferme voisine. Ensuite, l’expérience du scoutisme, chez les Scouts de France, qui débute lorsqu’il a une dizaine d’années. Elle dure juste assez longtemps pour lui apprendre, dit-il, le respect des êtres vivants et l’attention à ses semblables. C’est vers le même âge qu’il va pour la première fois en montagne, à l’occasion de vacances dans la région de Chambéry. Il se souvient d’avoir aperçu le Revard au petit matin, depuis les vitres d’un train de nuit, et de l’avoir ensuite gravi avec son père. Enfin, l’expérience de la vie urbaine. Elle reste avant tout marquée, pour lui, par les heures passées chaque jour dans les transports en commun et singulièrement dans le métro, pour aller au lycée, et par la volonté de trouver un moyen « d’en sortir ». Mais c’est aussi dans cette vie de jeune banlieusard qu’il commence, pour ne plus s’arrêter, à faire de longues marches qui lui permettent, à cette époque, de rejoindre le domicile familial après être allé au théâtre à Paris. Il mentionne également sa participation à la Jeunesse Étudiante Chrétienne qui le sort du cocon familial et lui donne l’opportunité de faire un premier voyage, en Algérie, juste avant la « Toussaint tragique » de 1954.

Il envisage un temps de devenir vétérinaire en milieu rural mais opte finalement pour « l’Agro ». Il entre en classe préparatoire au lycée Chaptal pour préparer le concours d’entrée et se dirige, une fois reçu, vers la carrière de forestier. À l’École nationale des Eaux et Forêts de Nancy, dont il sort diplômé le 1er août 1961, il reçoit une formation classique de forestier, tout entière tournée vers l’exploitation prudente des forêts soumises au code forestier, en bon père de famille. Il effectue ensuite son service militaire comme lieutenant, d’abord en Algérie, après la signature des accords d’Évian (18 mars 1962), dans une période qu’il qualifie de « pénible » (« l’humanité, tout était oublié »), puis en Allemagne. Il épouse Marie-Claude Sézille en 1963. Le couple aura deux enfants : Éric en 1964, Pascale en 1967.

Du forestier à l’inspirateur de parc naturel régional

Selon ses vœux, son premier poste est en montagne ; il en sera de même pour tous les autres. Le 1er mai 1963, il rejoint Saint-Laurent-du-Pont (Isère), en Chartreuse, comme chef de cantonnement forestier. Il mentionne l’influence forte de deux aînés : Jean Brossier, qui l’initie sur le terrain à la faune de montagne et notamment à son espèce favorite, le chamois, et Charles Bartoli, spécialiste de phytosociologie forestière alpine.

À la suite de la réforme Pisani et de la création de l’Office National des Forêts (ONF), il est nommé Chef de centre de l’ONF à Die (Drôme) le 1er mars 1966. Il apprécie l’ambiance de cette bourgade où tout le monde se connaît et où il prend la présidence du club des Jeunes. En tant que responsable de service administratif, il participe aux réunions concernant le projet de création du parc naturel régional (PNR) du Vercors. Il n’a pas participé aux journées de Lurs-en-Provence (25-30 septembre 1966) mais il en a eu des échos par l’intermédiaire d’un adjoint, Gilles Naudet, membre de l’équipe chargé de repérer les sites propices à la création d’un parc naturel régional.

À la mi-janvier 1967, il reçoit un appel de Bernard Saillet, forestier en poste à la DATAR qui, le sachant sensible aux questions d’ouverture des milieux naturels au public, lui propose de postuler au recrutement des futurs directeurs de parc naturel régional. Il fait partie des quatorze hommes d’âges, de formations et de parcours variés, dont la candidature est retenue. Deux semaines plus tard, le 15 février 1967, le groupe, doté de sept véhicules, entame un « tour du monde » d’un an sous la houlette de Jean Blanc, un berger-poète humaniste inspirateur de l’idée de parc naturel régional. Le but est de leur ouvrir les yeux et l’esprit et de leur faire découvrir des initiatives autour de la nature et du développement local susceptibles de les inspirer et de les aider, à leur retour, à diriger un parc naturel régional. Pour Jean-Pierre Feuvrier, cette phase de voyages et d’échanges tous azimuts a considérablement élargi et enrichi sa vision de l’aménagement de la nature, forgée dans sa formation et ses premiers postes de forestier : « ça m’a complètement changé ». L’année commence par une préparation d’un mois à Lurs, où des personnalités comme Georges-Henri Rivière (1897-1985), qui a fondé le musée national des arts et traditions populaires, viennent animer des séminaires. Parmi les personnages qui l’ont particulièrement marqué, Jean-Pierre Feuvrier cite encore Serge Antoine (1927-2006), dont il admire l’inventivité, et Jean Garcia (1907-1996), graphiste et homme de théâtre qui a fortement contribué à faire connaître les parcs naturels régionaux. Trois voyages se succèdent ensuite, entrecoupés par un bref retour en France et marqués par de multiples rencontres et visites de terrain : le premier en Europe du sud et de l’est (Italie, Yougoslavie, Grèce, Bulgarie, Roumanie, Union Soviétique), le deuxième aux États-Unis et au Japon, le troisième en Europe du Nord (Belgique, Hollande, Suède, Finlande, Grande-Bretagne, Allemagne). Jean-Pierre Feuvrier revient avec une somme de notes, de photographies et de témoignages, un bon carnet d’adresses et la conviction solide qu’en matière de développement local, « rien n’est impossible ». Pendant ce temps, le décret sur la création des PNR (1er mars 1967) a été publié et des bureaux d’étude ont été chargés de rédiger les chartes de création des parcs. Mais les chartes ne sont pas prêtes au retour des pérégrins, qui deviennent chargés de mission pour la création des parcs qu’ils devaient diriger : celui du Vercors pour Jean-Pierre Feuvrier, à partir du 15 février 1968.

En tant que chargé de mission rattaché au préfet de région à Lyon et en l’absence de définition précise de ce que devait être un parc naturel régional, il dispose d’une grande liberté de mouvement et d’action. Il met au point la démarche qu’il cultivera tout au long de sa carrière professionnelle et associative : s’imprégner du territoire, qu’il sillonne en voiture et à pied, aller à la rencontre des acteurs locaux, les écouter, leur parler et tisser patiemment des liens, avec eux et entre eux, par le biais de rencontres, de visites et de voyages d’étude. Le parc, leur répète-t-il, « sera ce que vous en ferez, vous. » Avec le soutien de l’administration départementale de la Jeunesse et des Sports, il organise notamment un stage de connaissance du Vercors à destination de jeunes du pays désireux de s’y installer, qu’il incite à créer leur propre emploi, en s’appuyant sur le label PNR. Il invite dans le Vercors des personnalités, dont le naturaliste Robert Hainard (1906-1999) pour évaluer la capacité des hauts-plateaux à abriter des grands prédateurs. Il parvient par ailleurs à rallier au projet des personnalités politiques influentes, comme le président du Conseil général de la Drôme, le socialiste Maurice Pic (1913-1991), et à gagner la confiance à la fois des milieux agricoles et des associations de protection de la nature. Sa connaissance des milieux associatifs et sa participation aux associations naturalistes constituent une aide précieuse. Il arrive à faire travailler ensemble l’Association pour la Sauvegarde des hauts plateaux du Vercors (futur Vercors nature) et l’Association pour la Promotion des Agriculteurs dans le Parc (APAP) du Vercors. Le travail de persuasion de longue haleine qu’il a engagé repose en grande partie sur un art de la parole qu’il exerce de manière continue, s’appuyant sur les exemples glanés lors des voyages d’étude qu’il vient d’effectuer, pour aider ses interlocuteurs à concevoir un projet pour leur territoire. Il repose aussi sur un ancrage solide dans les milieux associatifs, auxquels il participe sans être un militant (« vous ne trouverez pas mon nom sur des pétitions ») : tout au long de sa carrière, Jean-Pierre Feuvrier effectue un va-et-vient permanent entre le monde professionnel et le monde associatif, qui lui apporte la possibilité de se renouveler, des informations et des soutiens efficaces lors des conflits en matière de préservation des milieux naturels. Cependant, la fin de la période de conception du parc naturel régional est marquée par un sérieux conflit autour d’un projet de Luna-park dans un des hauts lieux du Vercors, la forêt domaniale de Lente, défendu par le député conseiller général maire de Saint-Laurent-en-Royans, Maurice Sibeud. L’État tranche en faveur du parc naturel régional : Jean-Pierre Feuvrier obtient gain de cause mais il doit partir.

Du forestier (encore) à l’éveilleur de parc national

Le 1er juillet 1972, il est nommé chef de centre de l’Office national des forêts à Thonon (Haute-Savoie). En plus de son métier de forestier, il s’emploie à mobiliser les maires dans des projets de développement touristique fondés sur la connaissance du Chablais. Avec ses agents et des bénévoles associatifs, il expérimente en outre des modes d’accompagnement en milieu naturel, que rien ne régit alors. Il participe en particulier à un groupe de travail, présidé par le directeur de l’École Nationale de Ski et d’Alpinisme (ENSA) de Chamonix, visant à élaborer un projet de diplôme d’accompagnateur en montagne. Parmi les membres de ce groupe, il cite le pasteur Jacques Cadier, auteur d’une démarche similaire à la sienne dans le Queyras, le pasteur et guide de haute montagne Paul Keller, Maurice Bardel (1912-1982), directeur du Parc national de la Vanoise, Pierre Préau, géographe, Paul Rambeaud (1919-2008), commissaire à la rénovation rurale en montagne... Jean-Pierre Feuvrier se souvient de deux rencontres importantes lors de son séjour dans le Chablais : celle de Paul Géroudet (1917-2006), célèbre ornithologue genevois qu’il invite à venir repérer les places de chant du grand tétras pour adapter la gestion forestière à la présence de l’espèce ; celle de Pierre Hainard (fils de Robert), botaniste au Muséum d’Histoire naturelle de Genève, avec qui il fait des tournées botaniques dans le Chablais. Il est ainsi passablement occupé par « les à-côtés de la gestion forestière », la distance avec ses supérieurs hiérarchiques lyonnais lui permettant de donner libre cours à ses initiatives autour de l’animation et du développement local. Son attirance pour ces questions et pour les parcs l’amène à postuler, avec succès, au poste d’adjoint au directeur du Parc national des Écrins.

Il prend ses nouvelles fonctions à Gap le 15 janvier 1975, dans un parc récemment créé (27 mars 1973), où « tout était à mettre au point, depuis le classement des archives qui allaient commencer à s’accumuler, jusqu’à l’information, au rôle des agents, en prenant en compte l’expérience des parcs qui nous avaient précédés ». Il travaille en bonne entente avec Michel Dies, le directeur du parc, dont il apprécie les qualités de montagnard, la bonne connaissance du territoire et la rigueur. Convaincu que « le parc est à sa place quand il innove », il s’emploie notamment à développer l’action de l’établissement dans la zone périphérique. Il cherche à favoriser l’implication des chefs de secteur dans la vie des vallées et œuvre pour que le parc obtienne la gestion directe des crédits de l’Etat en faveur de la zone périphérique, jusque-là gérés par le préfet. Comme exemple d’effet de cette conception du parc, il cite la possibilité de lancer une politique favorable à la création de gîtes ruraux.

Il s’efforce par ailleurs de rapprocher les gardes-moniteurs des habitants des vallées et des visiteurs. Il invite les premiers à animer des soirées de présentation du parc en projetant et en commentant les diapositives prises durant leur service. Persuadé par son « tour du monde » de l’intérêt des voyages d’étude, il en organise avec l’Association Peuple et Culture en Suisse, en Autriche et en Italie. Son but est de faire découvrir aux acteurs locaux d’autres espaces protégés, en privilégiant la diversité des origines et les fonctions des participants. Le fait que des élus, des agents de terrain, des scientifiques, etc. vivent ensemble et découvrent d’autres territoires ne peut qu’aider, pense-t-il, à ébranler les idées reçues et à faire émerger des projets innovants : « par exemple, on arrive dans le parc national suisse : on ne doit pas sortir des sentiers, il n’y a plus de chasse, plus d’exploitation pastorale, plus d’exploitation forestière, plus rien... Alors nos participants au voyage disent : qu’est-ce que ça doit vous embêter ! Oh ben non, chez nous ce parc il est comme votre Tour Eiffel, il est là. Ah bon ! C’est la surprise ! Ailleurs, en Autriche, c’est la découverte qu’élus et scientifiques peuvent se concerter sur un projet d’aménagement... » L’information est une autre de ses grandes préoccupations. Il amène les agents de terrain à proposer des présentations du parc à la maison du Dauphiné, à Paris, et les incite à intervenir auprès des écoles des communes de banlieue parisienne ayant un centre de vacances dans la zone périphérique. Il se souvient d’avoir pris lui-même le temps de montrer des fourmis à des visiteurs, déçus de ne pas voir de chamois ni de bouquetins depuis le parking le plus proche du pré de Madame Carle, un des hauts lieux du parc national. Toutes ses actions sont en définitive fondées sur la conviction du caractère irremplaçable et du potentiel de transformation des échanges directs, de l’expérience partagée et de la relation humaine. Lorsque Michel Dies part à la retraite, en 1980, Jean-Pierre Feuvrier ne souhaite pas passer du poste d’adjoint au directeur à celui de directeur ; après cinq années au parc national des Écrins, il estime aussi avoir besoin de changement pour renouveler sa motivation.

En 1971, il devient administrateur national de la Fédération Française de la Randonnée Pédestre (FFRP), après avoir été repéré pour son action en faveur de la randonnée dans le Vercors (création de 400 km de sentiers grâce à une cinquantaine de chantiers de jeunes), et le reste jusqu’en 2000. Cette participation lui ouvre par la suite la porte de nombreuses autres institutions au sein desquelles il représente la FFRP : la Fédération française des parcs naturels régionaux (1996-2004), le comité de massif des Alpes (1998-2010), le conseil supérieur de la Forêt et des produits forestiers, le bureau de la Grande Traversée des Alpes jusqu’en 2010, le comité national Natura 2000...

La restauration des terrains en montagne et, toujours, la pédagogie et le dialogue

Le 28 Octobre 1980, il prend le poste de chef du service de Restauration des Terrains en Montagne (RTM) de la Savoie à l’ONF. Suivant son habitude, il prend son bâton de pèlerin pour convaincre les élus de la nécessité de prévenir les catastrophes naturelles (crues torrentielles, coulées de boue, avalanches...), notant au passage combien la prise en compte de la protection des humains est plus facile à faire passer que celle des autres espèces. La vulnérabilité des hommes et de leurs productions est pour lui un fait que les catastrophes viennent régulièrement rappeler : « C’est toujours la nature qui a le dernier mot ; en matière de phénomène naturel, c’est constant, donc c’est une belle leçon d’humilité ». Sa fibre pédagogique ne se dément pas : à l’occasion des jeux olympiques d’hiver de 1992, à Albertville, il monte une exposition de 400 m² sur les risques naturels, cofinancée par la Ville de Chambéry et l’État. Intitulée "Qu’est-ce qu’on risque ?", l’exposition est présentée pendant plusieurs mois au centre des congrès de Chambéry puis au Musée des Sciences et de l’Industrie de la Villette à Paris. Ce temps au RTM est également nourri « d’à-côtés » : avec Bernard Fischesser, spécialiste de la préservation des paysages montagnards au Cemagref de Grenoble et Claude Henry, professeur à l’École polytechnique, il réfléchit à l’organisation de la recherche et de la formation pour la maîtrise écologique du territoire. Il est également sollicité par le préfet pour mener une action de conciliation auprès de Gilbert André, le maire de Bonneval-sur-Arc (Savoie), inspirateur du parc national de la Vanoise, lors d’un épisode de tension entre la municipalité et les services administratifs.

Du 1er décembre 1991 au 31 août 1996, il est chef de la division « Protection contre les érosions » du Cemagref de Grenoble où il termine sa carrière professionnelle. Il tente d’apporter au monde de la recherche sa vision d’homme de terrain. Le poste, observe-t-il, rassemble les trois piliers de sa carrière : la forêt, la protection contre les catastrophes et la protection des milieux naturels. Il est cependant trop éloigné des problèmes concrets des montagnards et des questions humaines pour l’enthousiasmer. Durant cette période, Jean-Pierre Feuvrier participe aussi au comité de pilotage pour la création du parc national du Mont-Blanc, ayant vocation à se transformer en parc international du Mont-Blanc (lequel ne verra pas le jour). Lors de son départ à la retraite, il quitte la conférence transfrontalière rassemblant le Val d’Aoste, le Valais, et les Savoie dite "Espace Mont-Blanc", où il représentait l’État français.

Pendant toute cette période, il s’investit par ailleurs fortement dans des structures associatives. Dès 1981, il rejoint Savoie vivante, qui fédère les associations cantonales d’animation autour de thèmes variés comme le social, le tourisme, le développement local, la jeunesse... Il œuvre notamment en faveur de l’obtention (en 1986) par l’association du label Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE). L’orientation récente de l’association vers la médiation environnementale et le dialogue territorial, au-delà de son action fondatrice d’animation locale et de développement durable, le satisfait pleinement : il y retrouve des occasions de réunir autour de projets d’aménagement des personnes venant d’horizons très divers. L’association, dont il est devenu vice-président, entend aussi expérimenter des formes de prévention de conflit grâce à la rencontre, l’écoute et une meilleure compréhension entre les personnes. Il s’investit par ailleurs fortement dans le Conservatoire du Patrimoine Naturel de Savoie (CPNS), créé en 1991 à l’initiative du conseil général de la Savoie, de l’État et des associations de protection de la nature. Il en est le président durant sept ans (1996-2003). Il y apporte sa volonté de faire travailler ensemble des personnes de culture différente. Sa connaissance des territoires et son aptitude au dialogue cultivées au fil de cinquante ans de vie professionnelle et associative dans les Alpes l’amènent à exercer des responsabilités dans d’autres structures et institutions : il est ainsi notamment administrateur des parcs nationaux du Mercantour (2002-2008) et des Écrins (depuis 2002), président du Conseil Économique Social et Culturel (CESC) du Parc national de la Vanoise (depuis 2007), membre de la Commission supérieure des sites de 1998 à 2007, en tant que représentant de l’espace alpin.

L’action de Jean-Pierre Feuvrier tient tout entière dans les Alpes françaises, un espace qui peut se parcourir à pied. Elle a avant tout consisté à établir des ponts entre des espaces et des mondes différents : la ville et la montagne, les milieux professionnels et les milieux associatifs, la protection des humains et celle des autres espèces. Elle s’est nourrie de ces allers-retours incessants et a contribué à rendre les frontières entre ces mondes moins hautes et plus poreuses. Elle a ainsi été profondément œcuménique, au sens large du terme. Elle s’est par ailleurs fortement appuyée sur un art de la parole, sur l’écoute et la rencontre directe. Très tôt, Jean-Pierre Feuvrier a expérimenté et défendu la médiation et la négociation environnementales, qui connaissent aujourd’hui un large succès avec la diffusion de « l’impératif délibératif » (Blondiaux et Sintomer, 2002 ). Il reste convaincu de l’intérêt du dialogue et conserve un optimisme et une foi en l’homme inébranlables.

Jean-Pierre Feuvrier est décédé à Chambéry le 6 août 2019.

Sources : entretiens réalisés par Isabelle Mauz et Jean-Luc Gosselin le 21/07/2011 et le 25/08/2011 et par Jacques Perret le 27/06/2003.


Par Isabelle Arpin ,Jean-Luc Gosselin
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