Histoire de la protection de la nature et de l’environnement
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ARMAND Louis (1905-1971)

Enfant de la montagne, Louis Armand est né le 17 janvier 1905 à Cruseilles, petit village de Haute-Savoie où ses parents sont instituteurs. Ses dons pour les mathématiques se révèlent dès l’école communale, mais il aime aussi courir la montagne pour herboriser, cueillir des champignons et déterrer des fossiles. Il allie l’esprit de géométrie au goût pour les choses de la nature.

Il se croit lui aussi voué à l’enseignement, tant il brille dans ses études aux lycées d’Annecy puis de Lyon. En 1924, il est admis à l’Ecole Polytechnique, dont il sort second, puis en 1927 à l’Ecole des Mines, dont il sort premier. Il sera donc d’abord ingénieur chercheur. En 1928, il se marie avec la fille d’un enseignant de Cruseilles, Geneviève Gazel. En 1929, il est en poste à Clermont-Ferrand, où il étudie les eaux minérales. Ses recherches géologiques et physico-chimiques lui valent, à 25 ans, un prix de l’Académie de Médecine.

Changement complet de cap en 1934, lorsqu’il entre dans la Compagnie des Chemins de fer PLM (Paris-Lyon-Méditerranée). C’est dans ce secteur qu’il fera toute sa carrière. Il devient ingénieur en chef en 1938 et, vocation pédagogique oblige, il enseigne à l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées de 1940 à 1949. Son goût de la recherche lui fait étudier l’entartrement et la corrosion des chaudières de locomotives à vapeur, dont il améliore beaucoup les performances.

Mais c’est la guerre contre l’Allemagne, qui cherche à utiliser le réseau ferré français. Louis Armand s’ingénie à contrarier discrètement cet objectif, et il devient en 1943 responsable national du réseau Résistance-Fer. Il est arrêté le 25 juin 1944, incarcéré à Fresnes et libéré le 18 août 1944. Il est décoré de la Croix de la Libération.

En 1947, il est professeur à l’ENA, où il enseignera jusqu’à sa mort. Il entre à la SNCF en 1945 et il en devient le directeur général en 1949. Il introduit l’application du courant industriel à la traction électrique et la tenue des véhicules sur rail aux grandes vitesses. Ce qui permet à la fameuse B.B. 9004 de dépasser les 300 kms/h en 1955. Il expérimente aussi un train télécommandé et supprime la 3e classe. De 1951 à 1959, il préside l’Union internationale des chemins de fer.

Toujours à la recherche de la modernité et de la performance, il publie en 1955 un rapport sur les problèmes européens de l’énergie et, l’année suivante, il plaide pour la création de la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) à l’Assemblée nationale qu’il préside en 1958 et 1959. Parallèlement, en 1958, il présente le plan « Rueff-Armand », inspirateur du futur Marché Commun, rédigé en collaboration avec Jacques Rueff, qui va servir de guide au nouveau gouvernement. Il devient alors président de l’Euratom, ce qui lui vaut les reproches du biologiste Jean Rostand, adversaire résolu de l’utilisation de l’atome sous toutes ses formes. De 1959 à 1964, il est président des Houillères du bassin de Lorraine.

En 1960, il est élu à l’Académie des sciences morales et politiques. En 1961, il publie, en collaboration avec le journaliste Michel Drancourt, Plaidoyer pour l’avenir. Il est élu à l’Académie française en 1963, où il est reçu par Jean Rostand, toujours aussi méfiant à l’égard de l’atome dont il fait la promotion, comme aussi le pétrole du Sahara.

Mais il n’oublie pas sa montagne et encourage ceux qui veulent la protéger, comme Gilbert André qui plaide pour le parc national de la Vanoise. De même, il propose une liaison de la Savoie au val d’Aoste par le tunnel du Mont-Blanc.

En 1969, il va trouver le premier ministre Chaban-Delmas et lui suggère la rédaction d’un Livre blanc sur l’environnement, qu’il présente comme « une des grandes affaires du monde moderne ». Il recrute pour cela un jeune centralien, Christian Garnier, et un jeune économiste, Jean-Philippe Barde, qui rédigent le document. Louis Armand remet son Livre blanc au premier ministre le 11 mai 1970. A partir de ce Livre blanc et de l’étude conjointe menée par la DATAR (Direction de l’aménagement du territoire et de l’action régionale), le ministre de l’Equipement, André Bettencourt, présente le 10 juin suivant au conseil des ministres les « Cent mesures pour l’environnement » .

Ainsi, la protection de l’environnement sera le dernier combat de Louis Armand, car il meurt en août 1971, quelques mois après la création du ministère de l’environnement.

Ses contemporains ont reconnu en lui un exceptionnel « remueur d’idées ». C’est d’ailleurs lui qui invente l’expression « remue-méninges » pour éviter l’anglais brainstorming. « Louis Armand, c’est une tête chercheuse » (Jean Cocteau), qui savait « concilier les impératifs de l’humanisme avec les exigences de la technique » (Jean Rostand). Le physicien Louis Leprince-Ringuet, pour sa part, souligne « son ascendant sur les cheminots durant les grèves » et sa « vie intérieure chrétienne », restée effectivement très discrète. Dans son discours à l’Académie, auquel il succède, le critique dramatique Jean-Jacques Gautier rappelle que « cet homme d’esprit socialiste avait une ferme notion de la hiérarchie ».

Tout le monde s’accorde à reconnaître une brillante intelligence, toujours à l’affût de ce qui bouge. Par la puissance de son verbe et l’étendue de ses connaissances, il stupéfiait ses interlocuteurs. Chacun retenait de lui quelque chose de différent. Apôtre du « décloisonnement » des disciplines et de la formation permanente, qu’il appelait « réenseignement », il a compris à la fin de sa vie l’émergence de la prise de conscience écologique et s’en est fait l’avocat influent auprès des pouvoirs publics.


Par Roger Cans
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