1971 - 2021 : Les 50 ans du ministère
de l'environnement

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Témoignage de Jean Pierre Raffin, secrétaire général (1972-1982) puis président (1982-1986) de la FFSPN

Pour avoir été nourri dès ma prime jeunesse par les ouvrages de la série des Beautés de la nature de Delachaux & Niestlé (Les Insectes de P-A. Robert, 1946 ; Les fleurs des eaux et des marais de H. Correvon, 1947 ; Les mammifères sauvages d’Europe de R. Hainard , 1948 ; Les papillons d’Europe de J-F. Aubert, 1949 ; La vie des oiseaux de P. Géroudet, 1951 ; etc.) puis, collégien, avoir fréquenté le laboratoire d’Ornithologie et de Mammalogie du Muséum national d’Histoire naturelle, dirigé alors par le Professeur J. Berlioz, et être devenu enseignant de Zoologie à la faculté des Sciences de Paris, j’étais, naturellement, prêt à m’engager pour répondre au propos du magistral « Avant que nature meure » de J. Dorst (1965). La lecture de cet ouvrage me conduisait alors à militer au sein de la Société Nationale de Protection de la Nature-SNPN puis de la Fédération Française des Sociétés de Protection de la Nature-FFSPN (maintenant surnommée France Nature Environnement) lors de sa création en 1968. L’une des étapes de ce militantisme sera marquée par un engagement associatif de plusieurs années pour que soit adoptée une loi sur la protection de la nature.

En effet, l’époque n’était pas faste pour le patrimoine naturel même si une loi sur les parcs nationaux votée en 1960 permettait la mise en place de protections sur des espaces privilégiés pour l’essentiel situés en haute montagne. La « nature ordinaire » était en butte à un déménagement du territoire où assèchements de zones humides, remembrements et arasements de haies, monocultures agricole et sylvicole, infrastructures linéaires auxquels venaient s’ajouter les pollutions multiples d’origine industrielle, agricole et urbaine et une chasse incontrôlée pesaient lourdement sur les possibilités de survie d’une diversité d’un monde vivant enchanteur.

Il fallait des règles, une loi, pour inverser un processus dû autant au mépris des décideurs à l’égard de ce qui mobilisait des personnes perçues comme de gentils poètes amateurs de petites fleurs et de papillons qu’à l’occultation de ce que ce que représentaient la diversité biologique et le fonctionnement des écosystèmes pour l’avenir des sociétés humaines. La loi de 1976 représentait donc pour la plupart de ses promoteurs associatifs un outil permettant d’agir pour le futur. Mais elle était aussi l’occasion de réflexions sur le fonctionnement de notre société ce qui conduira certains militants à s’engager ultérieurement dans le champ politique. Il est, en effet, apparu que bien des interlocuteurs politiques de tous bords rencontrés pour que débouche le projet de loi sur la protection de la nature reconnaissaient, en privé, le bien fondé des demandes et propositions associatives mais s’abritaient ensuite, pour ne point agir, derrière l’absence de pression politique.

Un parcours du combattant…

Il fallut près de 8 ans d’efforts entre l’évocation d’un projet de loi en 1968 et son adoption en juillet 1976. Le contexte était marqué notamment par l’intensification du Plan neige lancé en 1964 par des aménageurs qui ne pensaient que béton et artificialisation de la montagne (VI° Plan 1971-1975) ; le combat pour la défense du Parc national de la Vanoise (1969-1971) ; la candidature de René Dumont à l’élection présidentielle de 1974 ; le lancement du programme électronucléaire (1975) et la succession de 6 ministres en charge de la protection de la nature, avant et après la création du ministère du même nom (R. Poujade.1971). A signaler que dès le mois d’août 1969, M. Peronnet, député de l’Allier, avait demandé au ministre chargé du Plan et de l’Aménagement du Territoire, la création d’un Secrétariat d’Etat chargé de la Protection de la nature, ce à quoi il lui était répondu qu’une telle structure « qui superposerait une compétence de gestion aux attributions propres des différents ministère concernés ne paraît pas indispensable »… M. Peronnet sera un éphémère Secrétaire d’Etat chargé de l’Environnement auprès du ministre de la Qualité de la Vie en 1974.

Annoncé donc en septembre 1968 par la Délégation française à la Conférence inter gouvernementale sur les ressources de la biosphère organisée par l’Unesco à Paris, à laquelle je participais, un projet de loi « sur la protection de la flore et de la faune » suivra un parcours chaotique ( au point que nous l’appelions ce projet de loi, en novembre 1975, le monstre du Loch Ness : une loi dont on parle depuis longtemps mais que l’on ne fait qu’apercevoir »…) au gré des changements ministériels et des blocages divers de services « aménageurs » des ministères en charge de l’Agriculture, de l’Industrie, de l’Aménagement du Territoire, des Transports. Lors de l’AG de la FFSPN réunie à Chaumont, le 5 et 6 juin 1970, M. Duhamel, ministre de l’Agriculture, annonce qu’un projet de loi « est actuellement prêt à être soumis au Parlement », quelques jours avant que le Conseil des ministres n’adopte les 100 mesures pour l’environnement où il figure comme devant être déposé avant la fin de l’année. Il est évoqué dans le rapport d’activité pour 1971 du tout nouveau ministre en charge de la protection de la nature (R. Poujade). Mais il disparaît de l’horizon politique jusqu’à 1975 même si les services du dit ministère y travaillent et proposent différentes versions. En effet dans une de ces versions est introduite la notion d’étude d’impact : étude spéciale des conséquences sur le patrimoine naturel de projets « dès lors qu’ils sont entrepris par une collectivité publique ou avec son approbation ou son concours financier ». C’était un dispositif inacceptable pour les aménageurs de tous poils, publics ou privés, pour qui flore et faune sauvages et les milieux qui les abritent étaient le cadet de leurs soucis d’autant que certains ingénieurs bénéficiaient de primes et rémunérations accessoires calculées en fonction de l’importance des travaux pilotés ou accompagnés. Et puis la possibilité, par ailleurs, d’instaurer la protection d’espèces végétales et animales et de leurs milieux déplaisait fort à certaines instances agricoles et cynégétiques. Ce fut alors le blocage. Comme l’écrivait R. Poujade : « cette loi sur la protection de la nature, malgré tous les obstacles qu’on a dressé contre elle, par pusillanimité ou par myopie, était prête au début de 1974 » [1]. La FFSPN et notamment la SNPN et la LPO se mobilisent alors pour que le projet de loi sorte du placard. Au début de l’année 1975, F. Ramade, président de la FFSPN stigmatise publiquement le fait que « plus de quatre ans après la création d’un ministère de l’environnement (…), la dégradation du patrimoine naturel et du milieu urbain s’est de toute évidence aggravée. L’espace rural, le littoral, les montagnes, sont toujours livrés aux exactions des « aménageurs » tandis que s’accroissent la pollution de l’air et des eaux et qu’empirent les conditions de vie dans la cité ». Il s’insurge contre « l’ajournement perpétuel d’une législation générale qui permettrait une politique cohérente de conservation des ressources naturelles et leur utilisation rationnelle ».

Il n’est pas possible d’évoquer ici les nombreux aspects novateurs de la loi relative à la protection de la nature finalement votée en juillet 1976 et de certains de ses décrets d’application. Il faudrait traiter les multiples péripéties ayant précédé leur adoption notamment des points suivants : établissement de listes d’espèces protégées-même si du point de vue scientifique il eut mieux valu traiter des milieux (il faudra pour cela attendre la directive européenne de 1992 « Habitats-Faune-Flore ») ; réforme de la procédure de création de réserves naturelles ; possibilités d’instaurer des réserves naturelles volontaires ; introduction des arrêtés de biotope ; reconnaissance du statut « d’être sensible » aux animaux (mais uniquement ceux appropriés détenus en captivité) ; rénovation du Conseil National de Protection de la Nature et ouverture de différentes structures de concertation aux associations de protection de la nature ; agrément des dites associations et possibilités pour elles d’agir en justice (ce que demandait en 1972, M. Despax, professeur à la faculté de Droit et des Sciences économiques de Toulouse, président de la Société de Protection de la Nature Midi-Pyrénées, etc. [2].

On se limitera au cas de l’article 2 relatif à l’étude d’impact. Bien que le premier article de la loi ait prévu que la protection du patrimoine naturel était d’intérêt général, qu’il était du devoir de chacun d’y veiller et que les activités publiques et privées d’aménagement, d’équipement et de production devaient se conformer à ces exigences, inscrire ce généreux précepte de manière plus contraignante était une autre affaire. C’était donc affirmer la nécessité de produire une étude d’impact avant tout projet. Or la mention d’une étude d’impact qui figurait en 1974 a disparu du projet présenté par le gouvernement à l’Assemblée nationale le 27 avril 1976. Il est simplement fait mention que les travaux d’aménagement dus à une collectivité publique ou nécessitant une autorisation ou une décision d’approbation « doivent respecter les préoccupations d’environnement ». On ne peut être plus vague…Comment ? La chose est renvoyée à un décret en Conseil d’Etat…Au vu de ce recul, les associations de la FFSPN, se mobilisent pour que l’étude d’impact soit inscrite dans le projet de loi. Nous rencontrons les responsables des différents groupes politiques et le rapporteur du projet de loi, M. Nungesser, qui soutient notre demande. Mais M. Fosset, ministre de la Qualité de la Vie repoussera cette requête au motif qu’il s’agit là d’une disposition du domaine réglementaire. Il n’en reconnaitra pas moins, à plusieurs reprises, que l’étude d’impact devait « modifier en profondeur le processus de décision et le comportement des décideurs ». C’était déjà ce qu’écrivait en 1975, R. Poujade, le premier ministre en charge de la protection de la protection de la nature et de l’environnement rappelant une correspondance avec un responsable d’un syndicat des Ingénieurs des Ponts et Chaussée : « l’efficacité commandait que l’impact des grands projets sur l’environnement fut évalué et limité dès la conception de projets » (2) Il faudra que l’Assemblée nationale, dans un sursaut d’indépendance, vote un amendement de M. Mesmin [3] stipulant « Les études préalables à la réalisation d’aménagement ou d’ouvrages qui, par l’importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d’impact permettant d’en apprécier les conséquences » Le mot « préalable » a son importance. On le verra plus loin.

Un autre point nous avait mobilisé : la notion de compensation en cas de conséquences négatives d’un projet. Laissée de côté par l’Assemblée nationale, cette notion sera reprise sur suggestion de la FFSPN par le Sénat qui y adjoindra celle de l’incidence des travaux qui n’est pas forcément liée à leur importance. Ce dernier point sera repoussé par le ministre et finalement le Sénat ne retiendra que la compensation. Une fois de plus grâce à de multiples interventions de la FFSPN auprès de députés puis à un amendement de M. Mesmin la notion d’incidence sera reprise par l’Assemblée nationale en seconde lecture. Ce député reviendra à la charge au printemps 1977, s’étonnant auprès de M. d’Ornano, alors ministre de la Culture et de l’Environnement que d’après ses informations le décret d’application de l’article 2 semblait quelque peu s’écarter de l’esprit de la loi votée.

De cette période j’ai gardé le souvenir d’une course où, jusqu’aux derniers instants, il fallait rencontrer des parlementaires influents et les convaincre du bienfondé de nos réflexions. Ensuite le constat de séances parlementaires dans des hémicycles quasi vides où le sort d’amendements obtenus après moult efforts se jouait à quelques voix près était quelque peu désespérant. En effet, si les déclarations d’intention des divers groupes parlementaires étaient, dans leur ensemble, remplies des meilleures intentions, les discussions en séance, n’avaient, par l’absentéisme du plus grand nombre, guère montré une adhésion à la hauteur des proclamations. Le texte définitif, s’il ne comblait pas toutes nos attentes à cause de certaines imprécisions ou lacunes, n’en était moins l’outil qui nous permettrait d’agir dans un domaine légal, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors.

Enfin une loi, mais quels décrets d’application ?

Mais nous n’étions cependant qu’à mi-chemin avant de pouvoir utiliser l’outil. Il restait à obtenir les décrets d’application car une loi sans décrets (spécialité française) ne pèse que les quelques grammes du papier sur lequel elle est inscrite (15 pages pour la loi du 10 juillet 1976). Le parcours du combattant pour disposer d’un outil opérationnel était encore devant nous…
Le 17 mai 1976, M. Fosset déclarait « tous les décrets doivent être publiés - c’est un engagement que prend le gouvernement - si possible- avant la discussion budgétaire - en tout
cas avant le 31 décembre 1976 ». Le 25 octobre, M. Ramade, président de la FFSPN, accompagné de M. Brosselin et du signataire de ces lignes, nous rencontrons M. Ansquer, nouveau ministre de la Qualité de la Vie. Il nous assure que les décrets vont sortir très prochainement. Mais l’année 1976 s’achèvera sans qu’aucun décret n’ait été publié…Il faudra attendre, en fait, après plusieurs interventions de parlementaires mobilisés par la FFSPN, le mois de juillet 1977 pour que sorte un premier décret (agrément des associations).
Pour revenir à celui (décret du 12 octobre 1977) concernant l’article 2 ci-dessus évoqué, les services des ministères aménageurs réussirent, dans les conditions suivantes, à ce que le décret contourne la loi votée.

M. Fosset, ministre de la Qualité de la Vie, avait bien précisé en avril et mai 1976, que l’étude d’impact devait « modifier en profondeur le processus de décision et le comportement des décideurs ». C’était là une conséquence logique de l’article 1 de la loi qui sera votée et qui stipule : « Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde du patrimoine naturel dans lequel il vit. Les activités publiques ou privées d’aménagement, d’équipements et de production doivent se conformer aux mêmes exigences ».

L’article 2 stipulait que les études préalables aux projets d’aménagement devaient comporter une étude d’impact. C’était intolérable pour les ministères aménageurs qui obtinrent que l’étude d’impact soit produite non pas au début de la procédure et permette ainsi l’analyse des incidences et donc l’élaboration de variantes pour compenser les effets dommageables mais à la fin du processus de décision, lors de l’enquête publique, c’est-à-dire une fois que le processus était bouclé. Ce décret comportait, par ailleurs, une disposition renvoyant son application pour les projets de centrales nucléaires au 1er janvier 1978, permettant ainsi à certaines installations nucléaires d’échapper à l’étude d’impact…

En rencontrant, les 19 septembre 1978 et 7 mai 1979, MM. d’Ornano, ministre de l’Environnement et du Cadre de Vie et Delmas son secrétaire d’Etat, des responsables de la FFSPN dont j’étais faisaient, à nouveau, valoir que l’étude d’impact arrivant trop tard, il était inévitable que ceux qui avaient élaboré un projet, pendant plusieurs années, refusent des remarques qui eussent pu être intégrées lorsque le champ des possibles était encore ouvert. C’est ce qu’avaient préconisé tant M. Poujade que M. Fosset. Faute de cela, il ne restait plus à ceux qui étaient consultés lors de l’enquête publique que la résignation ou la violence. Cette remarque présentée à M. d’Ornano qui avait la possibilité, par un nouveau décret, de revenir à l’esprit initial de la loi n’eut aucune suite. Est-ce parce que les services de M. d’Ornano jadis ministre en charge l’Industrie avaient été parmi les plus hostiles à l’étude d’impact ?

On aurait pu penser que la loi du 12 juillet 1983, dite loi Bouchardeau relative à la démocratisation des enquêtes publiques remette sur les rails ce qui avait été détourné en 1977. Il n’en fut rien. Se posaient également la question du choix des commissaires enquêteurs désignés par le président du tribunal administratif ou son délégué. Dressant un bilan de cette loi à la demande de M. Barnier, ministre de l’environnement, qui déclarait en en juillet 1993 : ”je regrette le manque de transparence des enquêtes publiques et je ferai en sorte que dans les années qui viennent, elles ne soient plus des alibis faute de quoi les gens n’auront plus confiance et on ne pourra plus rien faire dans ce pays “, Mme Bouchardeau, ancienne ministre de l’environnement constatait en décembre de la même année que le choix des commissaires enquêteurs ne correspondait pas aux attentes de la société et qu’il était souhaitable qu’il y ait des commissions d’enquêtes plutôt que des commissaires enquêteurs seuls.

Comme le fera remarquer le rapport du préfet Bernard sur les zones humides [4] quelle qu’ait été la qualité de nombreuses études d’impact montrant l’importance des effets négatifs de travaux prévus sur ces milieux, il n’en a pas été tenu compte dans la décision finale. Cela signifie, entre autres, que les commissaires enquêteurs étaient restés indifférents à ces impacts.
Une analyse, que j’avais réalisée en 2002, sur la composition de 245 commissions d’enquêtes réunies les années précédentes montrait que sur 676 commissaires titulaires (637 hommes et 39 femmes), majoritairement retraités (71%) : 45 % étaient ingénieurs ; 13%, cadres administratifs , 11% , policiers ou militaires, 7% , géomètres, 6%, architectes et urbanistes ; 3% enseignants du secondaire ; 3%, scientifiques ou membres de l’enseignement supérieur ; 2%, magistrats, ; 1%, responsable d’association de défense de l’environnement et 9%, divers ( médecin, agent immobilier, assureur, agriculteur, avocat, etc.). Les catégories socio-professionnelles prédominantes appartenaient à « l’establishment » proposant les projets soumis à enquête (certaines commissions ne comportent même que des ingénieurs) et liées (esprit de corps) aux promoteurs publics ou privés des opérations projetées et apparaissaient peu sensibles aux questions d’environnement. Cela reflétait parfaitement les conclusions de Pierre Lascoumes [5] à propos des commissaires enquêteurs d’origine associative dans le domaine de la protection de la nature et de l’environnement : « bien que nombre d’entre eux soient régulièrement inscrits sur la liste dressée par département et même s’ils sont professionnellement qualifiés pour analyser le problème en cause, une connivence générale existe entre préfecture et tribunal administratif pour écarter presque systématiquement les candidats ayant un tel profil ».

Les propos de M. Fosset devant l’Assemblée nationale le 27 avril 1976 selon lesquels le Gouvernement estimait qu’il fallait prendre le parti d’associer les associations de protection de la nature « à un certain nombre d’organismes dans lesquels il nomme des personnalités qualifiées qui s’intéressent à l’environnement » semblent bien lointain lorsque l’on constate comment les intentions généreuses du législateur ont pu être dévoyées au fil du temps dans leur traduction réglementaire.

Quel bilan ?

Bien entendu d’autres dispositions de la loi de 1976 n’ont pas subi les mêmes avanies et à part la question de la procédure étude d’impact-enquête publique, elle a doté le monde associatif de leviers pour que soient réellement prises en compte les conditions de maintien de notre patrimoine naturel et de son évolution. Mais un levier n’a d’efficacité que s’il est utilisé et c’est à l’honneur du monde associatif d’avoir été un acteur majeur dans les différents secteurs de la protection de la nature : recueil de données naturalistes (au moment où les organismes de recherche et les universités délaissaient les sciences de terrain pour la biologie moléculaire), sensibilisation et pédagogie parce que l’Education nationale a longtemps fait défaut, gestion d’espaces naturels, restauration de populations ou peuplements en déclin, concertation avec les décideurs de tous ordres, contestation et utilisation des outils juridiques là où les pouvoirs publics préféraient satisfaire des intérêts particuliers plutôt que l’intérêt général, etc.

Sans la loi de 1976 et avant l’adoption des directives « Oiseaux » de 1979 et « Faune, flore, habitats » de 1992 et d’autres lois sur la montagne et le littoral notre patrimoine naturel ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Mais il faut bien convenir qu’à côté de réussites incontestables pour des espèces spectaculaires et divers milieux, le tissu de la nature ordinaire continue de s’effilocher. Des espèces de flore (plantes messicoles par exemple) et de faune (comme certains insectes, amphibiens ou passereaux) encore banales dans les années 1970 ne le sont plus. La loi sur la biodiversité promise en 2012 par le Président F. Hollande, arrivée en discussion au Parlement en 2015, encore en discussion lors que ces lignes sont écrites, sera-t-elle à même de répondre aux lacunes de l’application de la loi de 1976 ?


[1Le Ministère de l’impossible. Calmann-Levy.1975

[2Cf. les articles « Loi sur la protection de la nature » publiés dans les n° 38 (juillet-août 1975), 43-44-45 du Courrier de la Nature de mai-juin, juillet août et septembre-octobre 1976

[3M. Georges Mesmin, député centriste, était un homme avec qui j’entretenais d’excellents rapports depuis plusieurs années, mobilisé sur les questions d’environnement. Il nous aidera beaucoup pour améliorer le projet gouvernemental

[4Les zones humides. Comité interministériel de l’évaluation des politiques publiques. Premier Ministre-Commissariat au Plan. Rapport d’évaluation. La Documentation Française.1994

[5L’éco-pouvoir : environnement et politique. La Découverte 1994