Histoire de la protection de la nature et de l’environnement
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MERVEILLEUX DU VIGNAUX François (1902-1982)

François Merveilleux du Vignaux est né le 9 janvier 1902 à Châtellerault (Vienne), d’une famille à l’origine charentaise qui s’est ensuite implantée en Poitou et en Vendée. Les membres de la famille ont été surtout des magistrats ou des militaires en particulier dans la Marine ; les femmes étaient en général sans profession mais se montraient le plus souvent très actives dans des institutions catholiques.

Le grand-père de François Merveilleux du Vignaux, magistrat, député (légitimiste) de la Vienne, a été l’un des fondateurs de l’Institut Catholique de Paris. Son père était officier d’artillerie (colonel pendant la guerre de 14-18).

François Merveilleux du Vignaux fait ses études secondaires chez les Jésuites au collège Saint Joseph de Poitiers. Il semble qu’il ait eu très tôt la vocation de forestier, ce qui n’était pas habituel dans la famille. Il fait l’Institut National Agronomique dont il est diplômé en 1921 puis son service militaire dans le Génie. L’École Nationale des Eaux et Forêts de Nancy l’accueille de 1924 à 1926 (98ème promotion). Il est nommé en Bourgogne, à Beaune puis à Dijon. Il se marie en 1929 avec Anne de La Laurencie, ardéchoise par sa mère, qui était la fille du compositeur Vincent d’Indy (connu pour sa Symphonie sur un thème montagnard) et d’une famille nantaise par son père, également forestier. Née en 1903, elle avait fait des études supérieures jusqu’à la licence, ce qui était assez rare à l’époque pour une femme de son milieu (on l’appelait : « la sorbonnarde… »). Ils auront quatre fils. Trois naîtront avant la guerre. Ils deviendront officiers de Marine pour les deux aînés, ingénieur chimiste pour le troisième. Le quatrième, Pierre, naîtra après la guerre, et travaillera au Ministère de l’Équipement puis à celui de l’Environnement.

Après son mariage, François Merveilleux du Vignaux est nommé inspecteur des Eaux et Forêts à Alençon (Orne), où il gère les grandes forêts normandes dont la prestigieuse forêt d’Écouves. En 1936, il est appelé malgré son jeune âge à l’Administration centrale comme Directeur du personnel.

Il est mobilisé comme officier du Génie en 1939. En 1940, il est bloqué, comme tant d’autres, à Dunkerque. Puis il est fait prisonnier et envoyé dans un "Oflag" en Allemagne.

On le retrouve à l’administration centrale à Paris où il s’occupe de l’approvisionnement en bois des populations urbaines et des transports alors que le système ferroviaire a été complètement bouleversé. Le 30 septembre 1949, il est nommé directeur général des Eaux et Forêts, c’est-à-dire chef de l’Administration des Eaux et Forêts en France, dans les Dom-Tom et dans les colonies. Il occupera ce poste pendant presque seize ans, alors que ses prédécesseurs depuis 1800 y restaient en moyenne quatre ans et demi. On peut s’interroger sur une telle longévité. Certes, François Merveilleux du Vignaux était à la fois ferme et extrêmement courtois et il semble avoir été très apprécié de la grande majorité du Corps des forestiers à tout niveau. Il se déplaçait volontiers sur le terrain pour voir la réalité des problèmes. Outre sa parfaite connaissance des techniques forestières, il excellait dans les questions juridiques et il était également familier des problèmes de chasse et de pêche. Il a donc pu établir d’excellents contacts avec le monde des propriétaires forestiers privés ainsi qu’avec ceux des chasseurs et des pêcheurs. Il a su par ailleurs gagner la confiance des différents ministres de l’Agriculture qui se sont succédé pendant qu’il était en fonction.

On peut surtout considérer que, sous la IVème République, François Merveilleux du Vignaux a fait partie de ces hauts fonctionnaires qui, dans beaucoup de domaines, ont assuré la pérennité et la stabilité du service public quand divers gouvernements passaient à grande allure, l’instabilité politique régnant. Au fur et à mesure que les années s’écoulaient, il apparaissait comme un chêne ancestral, immuable au milieu de la forêt française !

François Merveilleux du Vignaux s’est beaucoup préoccupé de reboisement. Il était également très attentif à la gestion de la forêt privée et souhaitait l’améliorer en en faisant un investissement d’avenir. Il est notamment l’auteur de la loi sur les « groupements forestiers » qui visait cet objectif. Il a lancé l’Inventaire Forestier National et fait progresser rapidement les initiatives du Fonds forestier national. Il a établi et conservé de nombreux contacts avec les commerçants et les industriels du bois préfigurant la future "filière-bois". Il s’occupait également de questions internationales. Il était notamment le représentant de la France à la FAO (Food and Agricultural Organization), dont il a été un moment le président.

Il accordait enfin une importance particulière aux questions touchant à la protection de la nature. Ce ne devait pas toujours être le cas chez certains ingénieurs forestiers qui estimaient que leur métier consistait surtout dans la gestion des forêts et dans le suivi de l’industrie du bois. Ce n’était pas le cas de François Merveilleux du Vignaux qui pensait sans doute que tout agent de l’administration des Eaux et Forêts devait nécessairement avoir en lui l’amour de la nature et la volonté de la protéger ! En fait, il s’intéressait beaucoup à la botanique et à l’évolution de la nature. Il était très lié avec Paul Vayssière, agronome et botaniste connu, membre de plusieurs sociétés savantes, et avec le professeur Roger Heim qui fut président de l’Académie des Sciences, directeur du Muséum national d’histoire naturelle et président de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Il a envoyé le 23 avril 1951 une instruction à tous les Conservateurs des Eaux et Forêts insistant sur « l’intérêt d’une propagande active en faveur de la protection de la nature ». Le 11 juin 1953, il est revenu encore sur cette question auprès des Conservateurs dans une nouvelle instruction assortie, cette fois-ci, d’une leçon-type destinée aux ingénieurs forestiers chargés de cours dans les écoles normales pour inclure dans leurs programmes des éléments susceptibles de « développer cette notion de base qu’est le respect dû aux choses de la nature ».

La Direction Générale des Eaux et Forêts comprenait une section spécialisée chargée de s’occuper des questions de protection de la nature. Elle était dirigée par Yves Bétolaud, en qui François Merveilleux du Vignaux avait toute confiance et à qui il laissait une grande latitude d’action.

François Merveilleux du Vignaux a été chargé de l’élaboration de la loi de 1960 relative à la création des parcs nationaux, à laquelle a surtout contribué Yves Bétolaud et son équipe. Le Directeur Général est allé défendre le texte devant son ministre, Henri Rochereau. Il a insisté pour que les Parcs soient des établissements publics de l’État et non une nouvelle sorte d’administration ; volonté de souplesse, crainte d’une éventuelle concurrence avec les Eaux et Forêts ? En fait, pour lui, il allait certainement de soi que les Parcs Nationaux devaient être gérés par l’administration des Eaux et Forêts, comme dans un certain nombre d’autres pays. Quoi qu’il en soit, c’est bien sous sa direction qu’a été élaborée et votée la première loi relative à la création de Parcs Nationaux en France.

Il est resté très attentif mais ne s’est pas directement impliqué dans la création du parc national de la Vanoise. En revanche, il s’est engagé personnellement dans le classement en parc national de l’île de Port-Cros.

François Merveilleux du Vignaux a été très hostile à la réforme élaborée en 1965 par Edgar Pisani alors ministre de l’Agriculture. Il a rejeté aussi bien l’idée de la création de l’Office National des Forêts que la fusion du Corps des ingénieurs du Génie Rural avec celui des Eaux et Forêts, estimant qu’on allait transformer ses chers forestiers, agents de l’État désintéressés, en commerçants productivistes ! Comme souvent dans des cas semblables pour les hauts fonctionnaires, la sortie s’est faite "par le haut" : François Merveilleux du Vignaux a été nommé Conseiller d’État au tour extérieur.

Selon ses dires, lui, homme de terrain, aimant la nature, le vent et les forêts immenses, s’est prodigieusement ennuyé au Conseil d’État avec son ambiance un peu confinée de « club anglais ». Il n’a pas dû l’avouer à ses nouveaux collègues puisqu’ils l’ont élu président de leur amicale (le secrétaire général de cette amicale était alors un certain Laurent Fabius).

François Merveilleux du Vignaux est mort le 9 octobre 1982 à Paris, d’une maladie cardio-vasculaire.

Sa forte personnalité a beaucoup marqué l’administration des Eaux et Forêts pendant la longue période où il l’a dirigée.

Sources :

• « Revue forestière française »

• Revue « Forêts de France »

• Archives personnelles d’Henri Jaffeux

• Souvenirs personnels de Pierre Merveilleux du Vignaux (quatrième fils de François Merveilleux du Vignaux)


Par Pierre Merveilleux du Vignaux
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